# 12-2 La montagne s'ombre Le Cervin, 2006

La montagne s’ombre, 2005 – 2013

Jean-Michel Olivier, novembre 2009

Comme Dieu, l’homme est souvent absent des photographies de Jacques Pugin. Qu’il arpente les sables du désert ou qu’il scrute, avec une attention d’orfèvre, les flancs d’une montagne ombreuse, le photographe s’attache d’abord à la nature — comme si l’homme n’était qu’un accident ou une péripétie de l’Histoire. La nature est intacte, dans tout l’éclat de sa beauté, nue comme le premier jour : le désert ouvre sur l’infini et la montagne est toujours sacrée. Nous sommes revenus au Jardin d’Eden : le temps d’avant le désir et d’avant la chute.

Pourtant, l’image est trompeuse. Sur les photographies de Jacques Pugin, la Nature n’est jamais une, ni pure, ni immaculée. Le désert est plein de signes mystérieux ; il est creusé de pistes qui indiquent un chemin, une présence, une issue : quelqu’un est passé par ici, qui a disparu ou s’est volatilisé. Mais où ? Et pourquoi ? De même, la montagne — aussi idyllique soit-elle — est envahie de zones d’ombre qui ressemblent parfois à des ruisseaux de sang, des coups de couteau ou des blessures secrètes. Une montagne sur laquelle planerait toujours une menace…

Comme on le voit : nous ne sommes plus dans la Nature, mais dans le regard d’un artiste qui la recompose.
C’est ce regard qu’il faut traquer au verso des images recueillies au fil des jours et des randonnées, ces images longuement retravaillées, creusées, interrogées, modifiées par la suite. Ces images où la montagne s’ombre et nous regarde.

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