Graffiti rouge, 1984
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Cervin enneigé, pâturages, forêts, ruisseaux, champs de fleurs et ciel bleu, les photographies de la série Graffiti rouge offrent au premier abord le paysage pittoresque d’une Suisse de carte postale. Mais le regard s’arrête immédiatement sur la ligne rouge qui rehausse chaque image, tracé vif et lumineux ou dessin plus élaboré, et qui interroge notre lecture de la photographie.
Le travail de Jacques Pugin concerne le paysage, mais, au delà du documentaire, il s’agit d’un paysage retravaillé par le photographe qui, dans ses séries les plus récentes, n’hésite pas à utiliser drones, postproduction numérique et même Google Earth pour élaborer ses images et interroger notre perception de l’environnement.
En 1984, Graffiti rouge fait partie des premières séries du photographe, né en 1954 et qui s’est établit à Genève en 1978. Dès cette année, avec les Graffiti greffés, Pugin explorait déjà la trace lumineuse, en noir et blanc, nous ramenant à l’étymologie même de la photographie. Avec la technique du light painting, utilisée dès la fin du XIXe siècle et popularisée par l’avant-garde artistique de l’entre-deux-guerre, par des photographes comme Man Ray et Gjon Mili, on revient à la capacité première de la photographie d’enregistrer la lumière, pour dépasser la réalité-vue.
Pour Graffiti rouge, Jacques Pugin décide de travailler en films couleur. Installant son appareil moyen-format sur un trépied, en pleine nature, le photographe utilise une fonctionnalité de l’Hasselblad qui permet des expositions multiples sur la pellicule. Le premier temps est celui du paysage, de jour, dont il offre une vision documentaire, naturelle, un cadrage proche de la vision humaine. Cette photographie passive qui se contente de fixer ce qui se trouve devant l’objectif. Le second temps se passe de nuit – et on imagine la nature se réveiller dans un moment qui lui appartient pleinement – à l’heure où le paysage disparait dans l’obscurité. Le photographe intervient alors et amène la lumière dans l’image, une loupiote rouge voguant sur l’eau ou flottant dans l’air qui laisse sa trace plus ou moins aléatoire dans les trois dimensions du paysage, sur un long temps d’exposition. C’est finalement lors du développement que l’oeuvre se révèlera, hasard de la trace lumineuse qui dessine de façon spontanée sur la photographie.
Au contenu surprenant de l’image s’ajoute la particularité du tirage. Pour cette série, Jacques Pugin a confié ses négatifs à la famille Fresson, inventeur du procédé de tirage pigmentaire du même nom, dont le procédé remonte au XIXe siècle. S’apparentant à la gravure, le procédé complexe et artisanal du tirage Fresson apporte une vibration des pigments, un rendu pictural et des qualités de conservation qui font de ces tirages vintages des oeuvres à part.
Florence Pillet
Graffiti rouge – Red Graffiti,1984
At first glance, the snow-capped Matterhorn, grasslands, forests, streams, fields of flowers and blue skies in the Red Graffitiseries make the photos look like picturesque scenes of picture postcard Swiss countryside. But our eyes are instantly drawn to the bright red line that stands out from each image, a vivid luminous thread or more sophisticated drawing, which makes us question our reading of the photo.
Jacques Pugin’s work is linked to landscape but goes beyond documenting reality. Landscapes are reworked by the photographer who, in his more recent series, does not hesitate to use drones, digital post-production technology or even Google Earth to elaborate his images and challenge our perception of the environment.
Red Graffiti(1984) is one of the photographer’s first photo series. Born in 1954, Jacques Pugin moved to Geneva in 1978, where, in his Grafted Graffiti(Graffiti greffés) photos he was already starting to explore the luminous line, in black and white, taking us back to the etymology of photography. The light painting technique — already in use at the end of the 19thcentury and popularized by the artistic avant-garde between the wars, by photographers such as Man Ray and Gjon Mili— takes us back to photography’s primary capacity to record light, and go beyond perceived reality.
For Red Graffiti, Jacques Pugin decided to use colour film. Installing his medium format camera on a tripod outside in a natural setting, the photographer uses a function on the Hasselblad camera that allows multiple exposures of the film. In the first instance, the shot records the landscape in daytime, to give a natural, documentary point of view, framed more or less as seen by the human eye. This passive photography simply records the scene in front of the camera lens. The next shot takes place at night – we imagine nature awakening at a time when it is free and undisturbed – the moment when the landscape disappears into the darkness. It is then that the photographer intervenes and brings light into the image, a tiny red light that bobs up and down on the water or floats around in the air, leaving a more or less random trace in the three-dimensional landscape, over a long exposure time. And it is only when the photograph is developed that the final artwork is revealed with an improvised luminous line drawn on the photo.
The serendipitous content of the image is combined with an unusual printing process. For this series, Jacques Pugin entrusted his negatives to the Fresson family, who invented the Fresson process of direct carbon printing, which dates back to the 19thcentury. Related to engraving, the complex and crafted Fresson printing process enhances the vibrance of the pigments and combines painterly rendering and archival quality to make these vintage prints exceptional works of art.
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