2002 Tribune de Genève, No du 5 avril, Etienne Dumont

2002 Tribune de Genève, No du 5 avril

Le désert dédoublé de Jacques Pugin

Le Fribourgeois présente de fausses vues stéréoscopiques.

« Ce qui m’a décidée à exposer Jacques Pugin ? Le besoin de changer de registre. Le corps… Le corps… J’ai beaucoup donné dans ce registre. J’avais besoin d’un côté zen. » Zen, Christine Ventouras. l’animatrice de Krisal de Carouge? Autant demander au Vésuve de se transformer en bouillotte, mais passons. Les vues du désert nigérien et algérien par le Fribourgeois séduisent le regard et pacifient effectivement l’esprit.

Les images, prises en 2001, fonctionnent par couple. « A gauche, vous avez la prise de vue photo brute, à droite l’image vidéo retravaillée par une intervention graphique. » Sur l’ordinateur? L’ordonateur semblerait un mot plus juste. Les crottes de chameaux forment ainsi un alignement digne des menhirs bretons. Le sable blond vire au bleu nuit. Les dunes se retournent au besoin. Il suffit maintenant d’une souris pour déplacer des montagnes. Selon la galeriste, ces paires s’assimilent à notre vue stéréoscopique. Nous ne voyons pas la même chose de l’oeil gauche et de l’oeil droit.» Il s’agit aussi d’une réflexion sur un médium en pleine mutation.

Nous ne saurons bientôt plus ce qui est vrai et ce qui a été retravaillé. « De cette confrontation de deux images naît, peut -être, une autre vision dé la photographie», écrit d’ailleurs Pugin. Les oeuvres, au tirage maximal de 12 « toutes dimensions confondues », gagnent comme celles d’un Andreas Gursky à l’agrandissement le plus fort possible. Le sable en taille naine reste une carte postale. La largeur moyenne élargit déjà l’horizon. L’immense panneau inviterait à l’immersion. La galerie n’en offre hélas aucun de ces « monstres ». Les appartements genevois ne sont pas aussi vastes et profonds qu’une piscine olympique! E. D.