2002 La Gruyère, de P. Gremaud, No 34

2002 La Gruyère, de P. Gremaud, No 34

La Gruyère, de P. Gremaud, No 34, 21 mars 2002

Le désert dédoublé de Jacques Pugin

On a marché sur la dune…

C’est son deuxième retour à Bulle, après une exposition aux Pas Perdus. Le photographe Jacques Pugin, de dimension internationale, expose à la galerie Osmoz. Il présente «La Montagne bleue» et « Les Déserts », qu’il colore.

A la galerie des Pas Perdus, où Raoul Fleury eut le mérite de mettre sur orbite de jeunes artistes. Jacques Pugin exposait en 1977, à l’âge de 23 ans, Depuis lors, quel parcours! Le «press-book.. du photographe, qui vit et travaille à Genève, mentionne une liste impressionnante d’expositions. Citons pêle-mêle Arles (et sa rencontre internationale). Paris, Amsterdam, Boston, Huston, Israël et le Japon, Jacques Pugin ne se «prend pas la tête», La photographie, c’est un moyen, dit-il. « Un peintre utilise son pinceau, j’emploie la photo. Je ne suis pas un reporter ». Flash-back. Durant sa période Bulloise, jusqu’à l’âge de 18 ans, Jacques Pugin a la chance de rencontrer Joël Gapany. Qui lui prête son labo, ses « outils ». Avec lui, il réalise des photos de mariage, i1 m’a permis de toucher à l’image professionnelle… A 18 ans, Jacques Pugin va vivre à Zurich. Boulots à la petite semaine. Mais déjà cette passion pour la photo: « Je l’avais en point de mire » Après trois ans, cap sur Genève.

Petits boulots toujours. Et puis, cette évidence chez l’autodidacte: « Si je veux vivre de la photo, je dois être professionnel. » Il s’applique à « reproduire » des tableaux et des objets d’art. Avant de décrocher de réels contrats, il décroche des prix: bourse fédérale des Beaux-arts durant trois années consécutives (1980 à 1982), bourse des arts appliqués, bourses de la ville de Genève. Le film est solidement amorcé. Tout s’enchaîne, Jacques Pugin travaille pour des «griffes» importantes: produits de luxe comme les bijoux, les montres, les parfums. Actuellement, il partage son temps entre cette face publicitaire et sa propre création, ce qu’il appelle sa « raison de vivre ».

L’oeil gauche et l’oeil droit.

Un prix encore, l’importante bourse Leenaards, à Lausanne, vient de relancer ses travaux, en 2001. Elle distingue un artiste reconnu, mais qui au surplus présente un projet. Pour Jacques Pugin, c’est sa suite intitulée Les Désert, i1 en présente une série à la galerie Osmoz, Prises au Niger et en Algérie, ces images sont des diptyques. Et Jacques Pugin explique que son oeil gauche voit ce qui est réel, tandis que le droit travaille dans l’imaginaire. D’où ces images passant souvent du jaune au bleu. Un désert dont les cailloux deviennent des signes, la dune qui se résume à un trait soulignant son « épaule ». Ou encore ce cercle tracé dans le sable qui devient comme l’empreinte de quelque engin spatial: on a marché sur la dune…

Alchimie de l’image

Celle expérience des déserts, Jacques Pugin va la poursuivre prochainement en Mauritanie. Dans l’attente, il présente sa suite intitulée. La Montagne bleue, qui date de 1998. Ici, c’est tout un travail alchimique qui précède le résultat, impressionnant. Le photographe passe d’une image vidéo « arrêtée » à un tirage sur papier photo. Puis il colorie ce tirage avec des craies, rephotographie le résultat numériquement et retravaille l’image à l’ordinateur. La dernière opération consiste à coller le papier au dos d’un support de plexiglas. La plus grande photo atteint 180 cm sur 240! L’artiste y dégage des lignes pour obtenir dos formes « primaires », souvent la pyramide.

De l’atavisme dans cette Montagne bleue, lui qui est né (à Bulle) dans un pays enclos de montagnes? « Quand j’étais gosse, j’ai eu mon premier appareil à 12 ans. Je m’amusais à photographier les copains d’école. Ce n’est pas du paysage. » Ces travaux sont donc surtout imaginaires. L’essence de La Montagne b1eue, on la trouve dans ce texte Jean-Michel Olivier, qui a publié le livre avec Jacques Pugin, aux Ides et Calendes: « Cantique à la lumière, aux rochers, à la neige, au vent qui siffle entre les défilés de glace. Mais aussi chant d’amour à la photographie qui enregistre cette lumière et ces rochers, garde trace de la neige, célèbre par l’image la montagne et son défilé de fantÔmes. » PG