1998 Info dimanche, no 8, 28/06/, Patrick FERLA, (CH)

1998 Info dimanche, no 8, 28/06/, Patrick FERLA, (CH)

Patrick FERLA, Info dimanche, no 8, 28 juin 1998

CETTE PEUR BLEUE, BLEU DU DÉSERT…

Jean-Michel Olivier est écrivain, Jacques Pugin photographe. Ils se rencontrent sur  » La Montagne bleue « , un petit livre de la collection Photoarchives qui sort de presse. Le voyage, dans le texte, commence à Bali où Jean-Michel Olivier s’est rendu récemment. Ce grand garçon blond, au regard doux, toujours émerveillé par les matins du monde, écrit comme il respire. Aux Éditions de L’Âge d’Homme, il a publié voici deux ans  » Les Innocents « , roman pamphlétaire jubilatoire mettant en scène Genève. Celles et ceux qui croient  » faire  » la ville. Puis, l’an dernier, trois nouvelles rassemblées sous le titre  » Le Dernier Mot « , trois balades autour de la mort, apparemment sans queue ni tête. Et un raton laveur. À la Prévert.

Fondateur et collaborateur, aujourd’hui, de la revue  » Scènes Magazine « , Jean-Michel Olivier raconte, dans  » La Montagne bleue « , la nouvelle aventure de Jacques Pugin. Jacques a 12 ans lorsqu’on lui offre son premier appareil, un Instamatic. Quatre plus ans, il travaille pendant les vacances d’été pour s’offrir un Minolta. La photographie sera sa partition de vie. Ainsi, en 1978, Jacques Pugin ouvre un atelier à Genève.

Il y collectionne les rencontres, les émotions, voyage en Grèce et utilise la lumière  » comme un crayon dans le paysage « . Neuf ans plus tard, après quelques expositions personnelles, Jacques Pugin est invité à l’Elysée par Charles-Henri Favrod. Il y reviendra en 1988. Entre-temps, Pugin est passé par Arles, Paris, Cologne, Cracovie et Genève, sa vie s’est enrichie, des amours l’ont traversée – c’est sa biographie qui le dit. Le voici maintenant au pied de  » La Montagne bleue « , le Cervin, notre montagne sacrée écrit Jean-Michel Olivier. À Bali, rapporte l’écrivain, les maisons sont orientées dans la direction du volcan Batur. Ce volcan, situé au nord-est de l’île, est vénéré par les Balinais. Étrange relation avec la montagne où la nuit – bleue – coule à pic, d’un coup, virant au noir artificiel. Jean-Michel Olivier a cette image qui saisit tout :  » Crépuscule de théâtre plutôt que nuit en haute montagne.  » Et d’ajouter :  » Méfions-nous de la nature. « 

L’image plus vraie

Nul ne songerait à le contredire en découvrant les étranges et sublimes vidéogrammes, ciel peint, orages bleus, qu’a fixés Jacques Pugin. Qui donne à voir, tel un monstre rugissant de son antre… le Matterhorn. Emblème helvétique, idée reçue dont le photographe tire une sorte d' » architexture « , image patiemment travaillée. Jean-Michel Olivier, s’il explique la démarche du photographe, indique encore comment l’art rend l’image plus vraie que celle révélée par le regard. Beauté irréelle, amour de la géométrie : dans ce livre rare, le travail poétique de l’écrivain tient du tourbillon de neige.