1990 La Suisse, article de Jean-Michel Oliver

1990 La Suisse, Les trace de Jacques Pugin

La Suisse, article de Jean-Michel Oliver, 28.12.1990

Les traces de Jacques Pugin

GENÈVE – Epris de grands espaces et d’horizons illimités, le photographe Jacques Pugin aime à saisir, au vol, les traces inscrites dans la neige, le sable, ou le bleu du ciel. On peut voir ses oeuvres, jusqu’au 15 janvier, au Centre de la photographie. Portrait d’un chasseur d’éphémère.

PAR JEAN-MICHEL OLIVIER

Malgré le nombre impressionnant de ses expositions, le public genevois connaît mal Jacques Pugin. C’est le lot, sans doute, de bien des photographes, qui aiment à disparaître, pour mieux se cacher, derrière leurs images.

Soif de liberté

Pourtant, le travail de Pugin mérite un détour. En dehors de ses qualités purement esthétiques (ses photos sont très belles), il montre une quête d’une grande pureté, qui ne s’attache qu’à l’essentiel. « Ce qui guide mon travail avoue Pugin, c’est une soif toujours plus grande de liberté. Il y a quelques années, j’aimais inscrire, dans mes photos, des traces « artificielles » qui modifiaient l’image elle-même. Aujourd’hui, mon travail est plus intuitif, plus spontané. »

En même temps qu’elle s’éloigne du superflu, la photographie de Pugin aspire aux espaces sans frontières. Ciels immenses, mers invitant à la baignade, dunes de sable qu’un chemin désolé traverse: autant de paysages à couper le souffle, et dans lesquels Pugin, grand promeneur devant l’Eternel, aime à traquer l’éphémère (le sillage d’un avion dans le ciel, une marque de pas dans le sable, le trait d’écume d’une vague déferlante).

« Avant, ce qui m’intéressait, c’était de fabriquer des images, comme un peintre invente une figure ou un motif qui n’existerait pas sans lui. Maintenant, j’ai l’impression de redevenir un simple photographe. Comme un reporter, je me contente de reproduire et de sélectionner ce qui frappe mon regard. À ma manière, je rapporte des traces visibles de ce que les hommes ont fait. Traces d’un travail, d’une présence ou d’un simple passage. Traces qui bientôt s’effaceront. » Quelle est la vie d’un photographe professionnel, à Genève, en 1990?

Culturel

« Comme partout ailleurs, c’est une double vie! Mon activité de photographe publicitaire me permet de poursuivre un travail plus personnel. La photographie, pour moi, est quelque chose de culturel, au sens large du terme. C’est-à-dire d’absolument pas commercial. Et tant qu’elle restera confinée dans une galerie ou un musée, qui sont pour moi une manière de ghetto, elle ne trouvera pas son vrai public, qui est tout un chacun. »

J.-M.O.

« Trace dans le monde physique», photographies de Jacques Pugin, jusqu’au 15 janvier 1990, au Centre de la photographie, Maison du Grutli.